Emploi, stationnement, santé... 5 000 Français témoignent des difficultés pour accéder à leurs droits en cas de handicap. Le 2ème Observatoire des droits d'APF France handicap ne constate "aucune amélioration" en 2022. L'asso donne des solutions...
« Cet examen, on ne va pas le faire à cette femme car, de toutes façons, elle n'a pas de rapport sexuel », décrète une gynécologue à propos d'une patiente en fauteuil roulant qui s'impatiente de voir tous les autres patients, arrivés après, passer avant elle. B., titulaire d'une carte mobilité inclusion-stationnement pour son enfant, a reçu une dizaine d'amendes qui lui ont été prélevées à la source puis majorées. Z. se fait harceler par ses collègues qui voient d'un mauvais œil ses pauses à répétition lui permettant de diminuer l'impact de son handicap invisible.
Début février 2023, APF France handicap publie la 2ème édition de l'Observatoire des droits qui recense et dénonce les difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap en matière d'accès aux droits dans des domaines aussi variés que la santé, l'accessibilité, l'emploi, la scolarité, le logement, etc. Ces témoignages sont le fruit de l'analyse de plus de 5 000 demandes, dont 2 400 depuis janvier 2022, recueillies via sa plateforme digitale Handi-Droits. 53 pages qui peuvent se résumer en une phrase : « APF France handicap n'a constaté aucune amélioration »... Sauf (quelques) exceptions.
AAH : les compléments de ressource posent question
Cette année encore, la thématique « Allocations, prestations et maisons départementales des personnes handicapées » est celle qui a suscité́ le plus grand nombre de questions. En pole position, avec plus de 300 demandes en 2022 ? Celles relatives à l'Allocation adulte handicapé (AAH) et ses compléments. Pour rappel, l'AAH peut se cumuler, dans certains cas, avec la Majoration pour la vie autonome (MVA) ou le Complément de ressources (CR). Ces deux prestations ont été à l'origine de nombreuses « pratiques illégales » liées à des changements législatifs et réglementaires mais aussi de pratiques dysfonctionnelles de certaines caisses d'allocations familiales (Caf). En cause, notamment ? Le rétablissement du droit au complément de ressources après 62 ans et le remplacement automatique du complément de ressources par la MVA. Face à ce constat, APF France handicap réclame notamment une information officielle des Caf « claire et accessible » et la mise en place du système d'information automatique faisant le rappel des droits concernant le complément de ressources.
Plans d'aides humaines : une baisse généralisée ?
Une autre allocation fait débat : la Prestation de compensation du handicap (PCH), avec 250 questions. Plus généralement, deux problématiques persistent en matière d'aides humaines : la « baisse généralisée » des plans dédiés mais aussi les inégalités territoriales, notamment mises en évidence dans les situations de portabilité des droits PCH entre les départements (à la suite d'un déménagement par exemple). « 18 ans après sa création, le droit à compensation consacré par la loi handicap de 2005 reste inabouti », déplore APF France handicap. Pour changer la donne, l'association demande l'harmonisation des pratiques des différentes MDPH, la reconnaissance de services dédiés à la mise en œuvre des plans personnalisés de compensation, en lien avec le service payeur du conseil départemental, ou encore la garantie, à tous les demandeurs, d'une évaluation « complète et fine » de leurs besoins via la visite à domicile d'une équipe pluridisciplinaire et un entretien visant à recenser la totalité des nécessités (aide humaine, aménagement du logement ou du véhicule...).
Des refus de soins discriminatoires
Dans un tout autre registre, l'accès aux soins reste, cette année encore, le sujet prédominant de la thématique « Santé » avec plus d'une soixantaine de demandes. Les difficultés rencontrées concernent deux sujets majeurs : les refus de soins, discriminatoires, et la carence de professionnels médicaux sur l'ensemble du territoire. Mais d'autres causes sont évoquées : lieux inaccessibles, équipements et matériels inadaptés, rémunération insuffisante pour des consultations parfois plus longues, manque de formation au handicap... « Des situations inexcusables alors que la loi énonce que l'accès à une bonne santé et au bien-être est un droit fondamental », rappelle le guide. D'autant que les conséquences pour les patients peuvent être dramatiques : report des soins ou renoncement, ruptures de soins avec, à la clé, un risque de dégradation de l'état de santé, voire une mise en danger. Face à ce constat, APF France handicap formule plusieurs requêtes comme l'accessibilité effective des lieux de soins et des équipements, une formation initiale et continue des professionnels de santé qui intègre les besoins spécifiques liés aux handicaps et aux problématiques des aidants familiaux ou encore la mise en place d'une étude quantitative sur le non-recours aux droits en santé et le renoncement aux soins de ce public.
Accessibilité : le stationnement et le logement se prennent un « stop »
Le manque d'accessibilité est également au cœur des débats. 250 questions ont été identifiées, qui portent principalement sur deux sujets : le stationnement, entre « illisibilité des dispositifs et automatisation des contrôles », et le logement, qui avait déjà fait l'objet d'un focus en 2021. Les personnes interrogées constatent notamment une « trop grande méconnaissance des bailleurs sociaux et privés » concernant les règles de mise en accessibilité. APF France handicap demande, pour le premier, une meilleure formation des prestataires du système LAPI (plus communément appelé « sulfateuses ») et de leurs agents à la problématique de l'absence de prise en compte des cartes de stationnement apposées sous le pare-brise, ou encore la création d'une application numérique nationale qui faciliterait le quotidien de ceux qui les possèdent. Pour la seconde problématique, elle recommande l'inclusion d'un recensement de logements répondant aux critères d'accessibilité dans les bases de données relatives à la construction de logements neufs, une plus grande sensibilisation des bailleurs sociaux sur le handicap et l'accessibilité ainsi que le recensement effectif de l'offre de logements accessibles par les communes et inter-communes de plus de 5 000 habitants.
Des aides et des démarches trop complexes
Enfin, un sujet d'actualité : les retraites. Plus d'une centaine de demandes pointent un déficit d'information sur les dispositifs dédiés, qui se rapportent majoritairement au régime de la retraite anticipée ou pour inaptitude. D'autres difficultés sont épinglées, comme le manque d'accompagnement pour obtenir le financement de son fauteuil roulant, le non-respect « fréquent » des orientations relatives aux besoins des enfants handicapés scolarisés, des préjugés persistants en emploi ou encore la « complexité » des aides dédiées aux fonctionnaires ayant une invalidité. « La complexité des démarches administratives se révèle être un frein pour une réelle application des droits. Il est impératif que les intentions politiques évoluent et se renforcent pour pallier cette lacune », incite APF France handicap. Avec ce rapport, l'association entend intensifier ses relations avec les administrations, notamment avec la CNAF et la CNAV (Caisses nationales d'allocations familiales et d'assurance vieillesse). « Il est urgent de passer du constat aux solutions », conclut-elle.
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